’25 ans dans les load-balancers’ ou la négociation technique appliquée

C’est en annonçant la fermeture de ce blog sur Linked’in, qu’un de mes anciens  camarades de galère dans le domaine informatique m’a réclamé l’histoire des « 25 ans d’expérience dans les load-balancer ». Dont acte…

L’histoire se passe chez AOL France au temps de sa splendeur, si ce n’est en rentabilité, au moins en ambition et projets technologiques de haut vol.

Quelque part vers 2001/2002, AOL décide rien de moins que de concurrencer le moteur de recherche de Google. Au moins sur sa partie des recherches françaises/francophones. Nous avions pour cela choisi comme partenaire la société Exalead, société française spécialisée dans le domaine et offrant un produit très performant avec des possibilités d’y ajouter des fonctionnalités que ne proposait pas Google à l’époque.

Notre architecture matérielle était ultra-simple : 6 serveurs prenaient les requêtes des utilisateurs et envoyaient le tout à un gros serveur qui comprenait la base de données des pages web. Ces pages étaient indexées par un autre serveur en charge d’aller naviguer sur le web à la recherche des nouveautés et mises à jour. On basculait d’un serveur à l’autre quand un index frais était disponible à mettre en ligne.

Toute l’intelligence et la rapidité étaient basées sur une gestion ultra rapide des requêtes utilisateurs (développement interne AOL France) et la mise en mémoire de la base de données en RAM beaucoup plus rapide que les disques dur même en 15000 tours/mn.

À l’époque, en pleine bulle Internet, la société mère de l’hébergeur que nous utilisions explose en plein vol et met la clé sous la porte. Nous avons donc dû changer d’hébergeur en catastrophe.

La migration en elle-même s’est faite sur une seule journée grâce à la simplicité de l’architecture qui pouvait prendre des requêtes sur la moitié des serveurs tout en conservant des performances acceptables.

Petite anecdote gaguesque en passant : nous avons nous-mêmes démonté les serveurs chez l’ancien hébergeur pour les migrer chez le nouveau prestataire. Au deuxième chargement, le final, celui qui comportait le reste des machines, nous avons vu débarquer à la grille de sortie, un huissier qui venait mettre les scellés sur la société afin que personne ne touche plus rien dans les locaux.

Conscient de la criticité de l’exercice, nous avons laissé le chef de projet avec l’huissier afin qu’il se dépatouille de tout ça. Pendant, ce temps, nous avons franchi la grille et sommes partis rapidement.

Tout cela s’est fait en l’espace de quelques jours, et le déménagement à proprement parlé, en une seule journée. Nous avions fini assez tard dans un troquet du boulevard Voltaire bien heureux que tout cela soit terminé.

Bien évidement, l’urgence était de migrer sans interruption de service. Les détails de l’hébergement, les configurations réseaux, etc, n’avaient pas été discutés.

Quelques jours plus tard, les personnes de mon équipe viennent me solliciter car les performances du moteur de recherche avaient chuté. Après discussion technique, la conclusion est que la configuration réseau de l’hébergeur, afin de sécuriser avec ceinture et bretelles le moteur de recherche, passe deux fois dans des load-balancers.

Le load-balancer est un répartiteur de charge que l’on utilise pour distribuer les requêtes des utilisateurs entre différents serveurs afin que ce ne soit pas toujours le même qui bosse et se retrouve engorgé.

Après discussion, nous décidons d’appeler l’hébergeur afin de lui faire entendre raison et de configurer cet aspect sécurité réseau d’une manière plus simple pour récupérer les perfs du moteur de recherche.

Nous étions 3 ou 4 autour du téléphone qui était sur haut-parleur.

Au cours de la discussion, voyant que nous n’arriverions pas à avoir gain de cause, je prends la parole et dit au prestataire : « Cela fait 25 ans que je travaille dans le domaine*, je n’ai jamais vu ce type de configuration ! », lui laissant croire que j’en connaissais un rayon sur ce type d’équipement alors que je n’en connais que la description faite sur Wikipédia 😉

De mémoire, cela s’est terminé par le fait que l’hébergeur acceptait de changer la configuration pour que nous récupérions nos performances initiales mais que nous ne devions pas les prendre pour responsables en cas de problème de sécurité réseau… ce que nous avons accepté rapidement.

—°—

* je n’ai jamais prononcé la phrase indiquée en titre de ce post, phrase qui, depuis, est devenue un running gag à mon propos de la part de mes camarades de jeu. Connaissant la psychologie moqueuse de ces derniers, je me doute que cela ne joue pas en ma faveur.

Malgré tout, et comme pour bien des choses, le culot, l’expérience et la détermination ont eu le dernier mot. ;-P

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *